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La question que beaucoup de monde se pose (sans forcément oser la poser)
Quand on ne connait pas - ou mal - le Tantra, c'est souvent la question (et la peur) qui nous taraude en premier, créant souvent des malaises, des non-dits, des interprétations. Et parfois aussi l'occasion de beaux échanges profonds sur le sens du Tantra.
Alors ? Le Tantra, c'est du sexe ?
1/ Non le Tantra n’est pas « du sexe », il n'y a pas de sexualité directe dans les pratiques que nous proposons en groupe.
2/ Oui le Tantra intègre positivement toutes nos énergies de vie, dont l’énergie sexuelle.
En cela le Tantra vient secouer les tabous, les héritages de honte et de culpabilité liés à la sexualité et au corps... Ce qui lui vaut bien souvent une image sulfureuse, et focalise l'attention sur cette dimension, alors que le Tantra est bien plus vaste que cela : sans nier notre part sexuée et sexuelle, il reconnait toutes nos dimensions. Essayons d'éclairer ce sujet avec délicatesse : il nous est difficile de faire plus court que le texte ci-dessous car cette thématique nécessite clarté et nuances.
Une interrogation légitime, surtout quand on ne connait pas
Un de nos proches a osé nous poser la question. Nous lui répondons ici collectivement car nous savons que d'autres s'interrogent aussi. Cela nous donne l’occasion de regarder un préjugé en face et de mettre des mots dessus. Précisons que l’intention de ce texte n’est pas de convaincre qui que ce soit, ni d’ouvrir un débat "pour ou contre". Elle est simplement de vous partager notre humble compréhension sur cette question, afin de faciliter un pont de communication entre nous et d’éviter tout malentendu ou interprétation. Bref, amener le plus de clarté possible, et ensuite chacun.e est libre de cheminer à sa manière sur la question.
Plutôt que réprimer : reconnaitre et faire circuler
Le Tantra est originellement une tradition ancestrale venue d’Inde, et une des seules voies spirituelles à notre connaissance qui reconnaît et intègre positivement toutes les dimensions de notre humanité, sans jugements ni hiérarchie de valeur : notre esprit, notre coeur et notre corps, donc notre sexe (comme toute autre partie du corps), et donc toutes nos énergies, y compris l’énergie sexuelle, sans laquelle rappelons le, nous ne serions pas sur Terre.
Les religions - ou l’interprétation qui en a été faite - nous ont conduit majoritairement à ignorer, réprimer, condamner ou juger la sexualité et son énergie comme « inférieure », « mauvaise », voire « sale ». Au mieux cantonnée à sa dimension reproductive. Conséquences inéluctables et indéniables : honte et culpabilité, mais surtout frustrations, abus et viols, dérives pornographiques, scandales sexuels de l’Eglise catholique et dans d'autres religions, horreur des #metoo, milliers de victimes, violences conjugales, conséquences multi-dimensionnelles de ces traumas sur les individus et les sociétés ; sans parler de toutes celles et ceux pour qui la sexualité est un problème, une souffrance au quotidien. C’est assez simple : ce que l’on réprime nous revient en boomerang. L’énergie sexuelle a été réprimée car elle n’était pas utilisée en conscience. Et nous avons jeté l’eau du bain et le bébé avec : si quelque chose est à condamner, ce n’est pas l’énergie sexuelle, c’est le manque de conscience des humains.
Dans l’esprit du Tantra, la sexualité n'est ni bien ni mal, elle est. Et en ce sens elle est à accueillir comme une dimension tout aussi « naturelle » que le reste (certains diraient tout aussi « sacrée » au sens donnée par l’Existence). Indépendamment de tout dogme, il s’agit de ne rien retrancher de ce qui est humain, au contraire, de tout envisager comme une opportunité de conscience et d’amour. Au lieu de réprimer ou de consommer avec compulsivité l’énergie sexuelle, le Tantra nous invite à l’accueillir et la faire circuler en conscience. Réapprendre à tout faire circuler le plus naturellement et fluidement dans notre corps, de bas en haut et de haut en bas, depuis l’énergie vitale/sexuelle (la plus dense) jusqu’à l’énergie la plus subtile (l’intuition, la clairvoyance, la connexion à « plus grand que soi », quels que soient nos mots sur ce sentiment d'être relié.e). Et c'est là où il y a trop souvent un grand malentendu sur le Tantra : accueillir et faire circuler cette énergie, ce n'est pas focaliser sur les organes sexuels, au contraire c'est sortir de la focalisation sexuelle pour l'étendre de manière bien plus vaste.
En stage de Tantra, "faire circuler l'énergie sexuelle" ne veut donc pas dire "faire du sexe", cela veut dire devenir conscient.e de nos énergies, de nos blocages, de nos pulsions, de nos conditionnements, de nos élans, de nos désirs. En s'entrainant à ressentir et poser ses limites, à être à l'écoute de notre consentement et de celui de l'autre. Avec un cadre clair, conscient et explicite : bienvenue à l’énergie sexuelle si elle se manifeste, sans "passage à l'acte", c'est à dire pas de sexualité génitale ou orale dans le cadre des pratiques proposées dans nos stages ou ateliers. A noter en complément : quand il s’agit de stages dédiés aux couples, certains animateurs peuvent parfois proposer d’aborder la sexualité dans l’intimité de la chambre (espace privatif) avec un nouveau regard, dans l'intention de nous inviter à nous "déconditionner" de normes qui entravent souvent notre sexualité (et par conséquent notre vie, notre sexualité étant aussi une métaphore de notre rapport au monde, qu'on le veuille ou non).
Pourquoi "faire circuler" l'énergie sexuelle ?
Dans la vision du Tantra, l'énergie sexuelle n'est pas autre chose que l'énergie vitale ou l'énergie de vie que chacun.e a en soi. Cultiver et faire circuler cette énergie en conscience nous permet tout simplement de "redevenir entier.e", vivant.e, vibrant.e, de libérer notre vitalité, notre élan vital souvent coincé dans la honte, la culpabilité, la norme. Cette énergie est à la racine de tout, qu’on l’utilise pour la sexualité, pour nourrir sa créativité, son amour de la vie, ses actions, ou tout autre chose ! C’est cette énergie qui nous porte dans nos élans et nous régénère en continu, et sans laquelle nous nous épuisons, nous devenons gris.e.s, coupé.e.s de nos racines, divisé.e.s intérieurement entre le bas et le haut de notre corps.
Un des fléaux de notre époque est la dissociation entre la tête et le corp, et plus précisément entre la tête, le coeur, et le sexe. Il faut bien se le dire, c’est de cette division que naissent la plupart des violences. Dans notre compréhension, cette séparation ne correspond pas à notre nature profonde, elle rend donc les gens (et les systèmes) violents, oppresseurs, compulsifs, dépressifs, malades, dévitalisés, malheureux, déviants, dominateurs, etc… Au contraire, redevenir libre de sa propre énergie de vie (en choisissant quand et comment l'activer et au service de quoi la déployer) fait de nous des personnes à la fois plus autonomes et plus alignées, plus joyeuses et conscientes, moins déterminées par nos pulsions, et donc plus détendues et naturelles.
Comment faire circuler nos énergies de vie en Tantra ?
Par les 3 clés du Tantra que sont le souffle, le mouvement, le son. Et plus précisément par des pratiques de respiration variées, de méditation, de danse, d’éveil de nos 5 sens, de chant, de libération des émotions, de jeux, de parole authentique, de toucher conscient, de massage notamment. Précisons que le toucher est l’un des piliers de notre humanité dans la relation à l'autre (la psychothérapeute américaine Virginia Satir indique que « Nous avons besoin de 4 câlins par jour pour survivre, 8 pour fonctionner, 12 pour croître. »). Les risques sur la santé physique et mentale d’un monde « sans contact » sont désormais avérés.
Alors oui, le toucher amène parfois à ressentir et explorer de la sensualité, sans qu'il y ait pour autant de sexualité : il peut être très libérateur de distinguer les deux pour redonner au corps toute sa sensorialité, en sortant de la sexualisation des corps que nous imposent trop souvent ce monde. Dans tous les cas, rien n'est recherché ou imposé. Ni permissivité, ni impulsivité, les pratiques de Tantra nous invitent à retrouver notre spontanéité en conscience, ainsi qu’un rapport naturel et déconditionné à notre corps, dans le cadre conscient nommé ci-dessus.
En accueillant l’énergie sexuelle comme toutes les autres énergies - dans une société où elle est encore taboue et où il n’y a pas ou peu d’espaces pour explorer / questionner ce champs - il n’est pas surprenant que le Tantra soit le réceptacle de nos peurs et projections. Il est plus facile de critiquer le Tantra que de questionner nos schémas et conditionnements sexuels, patriarcaux, religieux, culturels ; il est plus facile de juger l’extérieur que de regarder en soi ce qui nous empêche d’accueillir tranquillement notre énergie sexuelle et vitale. Il est plus facile de faire semblant que nous n’avons pas besoin de parler de tout cela dans la sphère "publique". Mais au fond, nous savons que ça ne marche plus. Il aurait peut-être été plus « facile » pour nous de faire une autre activité, mais non, nous sommes fiers d’oser proposer des espaces qui contribuent à offrir des réponses à ces enjeux personnels et sociétaux. Et nous sommes infiniment reconnaissants que cette tradition plurimillénaire trouve aujourd’hui des résurgences contemporaines, adaptées aux besoins et enjeux de notre époque.
Ceci étant dit...
Ceci étant posé, il est aussi clair - et intolérable - que certaines personnes utilisent le mot Tantra pour y mette leurs déviances et leurs abus de pouvoir. Le monde du Tantra n’est pas exempt de dérives, et il est nécessaire de s’informer avant de choisir où le pratiquer. C’est aussi pour cela que nous faisons partie d’un réseau d’animateur.trices de Tantra en cours de structuration pour partager un cadre déothologique commun (même si les couleurs et styles de chacun.e sont variés, ce qui permet à tou.te.s les participant.e.s de trouver leur juste porte d'entrée vers le Tantra).
Par ailleurs le Tantra n’est pas une voie qui convient à tout le monde, il y a bien sûr de nombreux autres chemins d'amour et de conscience. Notons aussi qu'il est nécessaire d'avoir fait un chemin de thérapie / développement personnel avant (et en parallèle de) la pratique du Tantra.
Si le Tantra peut faire peur et questionner, il intéresse aussi de plus en plus de personnes, de milieux variés, car il y a un réel besoin et une aspiration à explorer toutes nos dimensions, à sortir des anciens schémas. Et le Tantra est une voie multi-dimensionnelle dite « non-duelle », c’est à dire qui n’oppose pas les apparents contraires mais au « contraire » y voit une ré-union possible et féconde : nous pouvons être à la fois des êtres spirituels et sexués, inviter le plaisir des sens et la pleine conscience, la passion et le discernement.
Une invitation à rester ouvert.e.s, sans juger
Pour les personnes qui n'ont jamais été dans des espaces de Tantra, nous comprenons aisément combien il peut paraître "bizarre", inadéquat, déplacé... d'intégrer la dimension de l'énergie sexuelle dans un espace "commun" en dehors du "couple" ou de la vie personnelle de chacun. Ce qu'on ne connait pas, on le juge bon ou mauvait sans réellement en avoir fait l'expérience. Le Tantra, voie de l'expérienciel, nous dit : ouvre toi à la possibilité de ne pas savoir, tant que tu n'as pas vécu dans ton corps ce dont il s'agit. La majorité des gens qui ont fait des stages de Tantra dans des cadres sécure et alignés reviennent transformés positivement par leur première expérience, plus au contact de leur propre vérité. Voici par exemple un témoignage qui nous touche particulièrement car il décrit dans le détail le processus de ce qui a pu se vivre pour cette personne, sur un atelier de quelques heures.
Nous comprenons petit à petit, en sortant des tabous, du silence et des blessures, que la question de l'intime est aussi politique. C'est le sens de notre mémoire de recherche sur le Tantra : Tantra & Société, en quoi le Tantra pourrait contribuer à la transition vers une autre société ?
Sachez enfin que, si pour vous, poser la première question sur le Tantra n'est pas facile, nous sommes à votre écoute pour se la poser ensemble, dans l'intention de partager nos expériences, nos compréhensions réciproques, nos doutes ou nos évidences, et que c'est ok de ne pas être d'accord sur tout, tant que l'on peut parler de tout. Merci pour l'accueil de ce que vous ne connaissez pas, et de nous donner l'occasion de mûrir ensemble.
Quelques visions du Tantra en complément
« Le Tantra dit : d’abord purifie ton corps – purifie-le de toutes ses répressions. Laisse l’énergie du corps circuler, supprime les blocages. Il est très difficile de rencontrer une personne sans blocages, sans tensions. Relâche la tension, elle ne fait que bloquer ton énergie ; il est impossible pour le flux de circuler avec cette tension. Comment se fait-il que chacun soit aussi rigide ? Pourquoi ne peut-on pas se relâcher ? As-tu déjà vu un chat en train de dormir, sommeillant l’après midi ? C’est d’une manière simple et belle qu’il se détend. Peux-tu te détendre de la même façon ? L’être humain doit apprendre cela, parce qu’il a été mal conditionné, il a été mal programmé. »
« L’élément le plus important du Tantra, sa vision de base, est que le monde ne se divise pas en inférieur et supérieur, mais que le monde est composé d’une seule pièce. Et ceci est très radical, révolutionnaire, c’est une rébellion. Le bas et le haut se tiennent par la main. Le haut inclut le bas, et le bas inclut le haut. Le haut se cache dans le bas : ainsi le bas ne peut pas être nié, ne peut pas être condamné, détruit ou tué. Le bas doit être transformé. On doit lui donner la possibilité de progresser vers le haut… alors, le bas devient le haut. »
Osho
Crédits photos : Tamalpa France, Clothilde Penet, Mélanie Guéneron, Stéphane L., Valentin Ponzio, Adeline Suchier Lagerge
Crédits dessins : Sophie.a Giret